Crédit photo: Katya Konioukhova
Artiste interdisciplinaire et commissaire en art participatif, Sophie Cabot travaille en consultation avec l’experte en plantes tinctoriales Myriam Rochon, fondatrice de l’entreprise habi habi. D’avril à décembre 2022, elle pratique le glanage de matières naturelles destinées à l’impression : végétaux, craies, métaux. Sa recherche vise à développer un cabinet d’éco-curiosités, un dispositif de mise en commun des savoirs sur les pratiques écoresponsables en arts imprimés. Ses périodes d’expérimentation alternent avec des activités d’échange avec les membres de L’imprimerie.
Identité.s de nos corps qui marchent
Avant de prendre le pas vers la friche, nous nous sommes réunis dans le stationnement du Collège, une quatrevingtdizaine de personnes. Nous avons formés deux cercles pour prendre contact deux- trois minutes. Puis chacun.e une carte en main se dirigeait vers notre lieu de rendez-vous, une heure quinze plus tard. Le soleil caressait délicieusement nos têtes, nos visages. Certain.es souriaient et d’autres, je ne sais pas. C’est une initiative de l’enseignante Marie-Hélène Charron-Cabana et la directrice de la programmation de L’Imprimerie centre d’artistes Geneviève Cadieux-Langlois de m’inviter à orchestrer cette marche dans Hochelaga pour des étudiant.es du cours de littérature contemporaine. Le Boisé Vimont et la friche d’Hydro-Québec qui appartient maintenant à la Ville de Montréal, me semblait l’endroit désigné pour orienter notre parcours. À tous les coups, entrer dans la friche crée surprises et émotions. Est-ce la vastitude du lieu, l’abondance de la végétation, la sensation du passage des autres avant nous ? Je dirai que c’est tous ceci et le contraste de l’état sauvage qui détonne avec la structure des rues. Un changement d’espace, un lieu de permission.
Nous avions juste assez de temps pour déposer des bouts du carcan quotidien, certain.es ont pu les laisser aller. D’un autre côté, l’expérience s’est déroulée si vite, que je n’ai pas eu la possibilité de rencontrer chacun.e des étudiant.es. Notre comunication se fera par leurs écrits en plus de leurs croquis sur les cartes que j’avais préparé pour faciliter les rencontres des identité.s. Les traces sur papier notées et grifonnées à chaud sont ce que je nomme des relevés de présence, témoins d’instants furtifs, révélateurs d’un vécu profond attaché au vivant, à ce qui relie aux autres et à la vie. Relevés de présence d’une conscience à soi, ou relevés de présence d’une jouissance du moment.
Un étudiant vit un retour dans le quartier de son enfance. Pour lui, entrer dans la friche une première fois l’émeut. Un autre a reçu un mille-feuilles d’un employé de l’usine à gâteaux à l’entrée de la friche. Geste généreux, spontané qui ravit l’étudiant croquant à belles dents dans sa sucrerie. Des jeunes femmes satisfaites de découvrir le quartier de leur Collège pour une première fois.
La belle phrase : Y’a rien de mieux que de frencher dans friche ! qui pourrait au final être le titre de ce billet tellement elle sonne bien. Qui ne voudrait pas frencher dans la friche?
Anthotypes et confitures
En cette saison des récoltes qui tire à sa fin, je ne sais plus ou donner de la tête; cuisiner pour manger ou cuisiner pour faire des images? Je fais souvent les deux en parallèle. Le plus important est de ne pas se mêler entre le chaudron pour manger et celui pour les émulsions ! Dans le premier les saveurs sont à l’honneur et dans le second c’est la couleur. Les filtres à café me sont utiles pour extraire le jus de pigments des végétaux broyés parfois au mélangeur ou le plus souvent au pilon. Mortier ou pilon à patate. C’est de la cuisine et ça sent bon! D’ailleurs, ce que je nomme émulsion est un jus extrait du végétal, du petit fruit ou d’une fleur. L’encre est déjà plus élaborée puisque les plantes sont cuites. Les anthotypes à base d’émulsion, reposent depuis plusieurs semaines sur le rebord de fenêtre de L’Imprimerie, d’autres chez moi.
Plusieurs anthotypes sont demeurées fades, ou n’ont laissé aucune empreinte. Mais certaines images sont émouvantes, enfin pour moi, telle que l’émulsion fabriquée à partir du bouquet de graduation du secondaire de mon garçon (voir le billet de juin). Étant donné qu’il n’aime pas se voir en photographie j’ai choisi un autre sujet à imprimer, ma fille. Le Bouquet de graduation a été exposé au soleil de la mi-juillet à la mi-septembre, 12 semaines. J’observe que je ne pourrai avoir de rendu plus foncé ou plus contrasté. À vrai dire, est-ce nécessaire? Cette image exprime la délicatesse, la fragilité.
En passant, les photographies que j’ai utilisées pour mes explorations proviennent de mes archives et certaines sont des captures écran,; ce qui est toutefois rarement le cas. J’ai réalisé très peu de nouvelles photographies artistiques, elles sont plutôt documentaires de ma pratique de la marche. Je recycle les anciennes photographies et je me centre sur le procédé d’extraction de pigments.
Quelques informations pour choisir une image source…
Le choix des images pour réalisée l’acétate qui sera utilisée pour l’anthotype est à considérer. L’image doit laisser des zones blanches ou très claires qui laissera agir la lumière et créer au final des contrastes sur le papier. Je donne l’exemple de mon essai Bardane et curcuma. J’ai travaillé à partir d’une photographie de feuilles de bardanes en gors plan. Le cadre de la photographie est rempli, comme on le voit et si les textures en noir et blanc sont riches , elles se perdent dans les nuances du jaune curcuma. La couleur du curcuma est vive et donne techniuqement un bon résultat. Mais si l’image est trop dense le rendu sera difficile à lire tel qu’on le voit dans Bardane et curcuma 2. La première image ici montre le papier avec son acétate et la deuxième le résultat final après exposition au soleil. Ce jaune rayonne magnifiquement.
Un deuxième essai, celui de Vol ultime, une image réalisée à la Ronde en 2017. J’ai exposé l’acétate sur une émulsion de fleur d’hémérocalle, dont une partie est frotté avec la fleur elle-même. Encore un autre essai celui à partir d’une photographie d’Agnès Denes dans son champ de blé à Manhattan (Wheatfield, 1982). Elle est tirée d’une capture d’écran. L’acétate de Wheatfield est en contact avec un papier enduit de deux émulsions, hémérocalle et rosier sauvage. Malgré deux mois d’exposition, l’empreinte est presque nulle. J’ai dû vous présenter l’image avec son acétate pour qu’on y voit quelque chose. Je découvre que l’émulsion de l’hémérocalle non cuite se délave très rapidement. Donc l’empreinte n’a pas le temps d’apparaître. D’autres essais ont été réalisés et d’autres sont en processus. Je les partagerai lors de la présentation finale de la résidence.
Azimut et cyanotype
L’heure est au bilan des expérimentations de l’été en résidence. J’aimerai revenir sur le cyanotype réalisé lors de la marche du Chantier du 6 août dernier. La chaleur se faisait intense. Le cyanotype a été réalisé en fin de promenade dans le Boisé Vimont. J’avais préparé un tissu de coton de grandeur 6 X 6 pieds environ. Nous nous sommes placées en position de façon à être le plus confortable possible pour tenir un bon 15 minutes. Le soleil baissait rapidement; il était 18h30.
Je présente une capture de vidéo et le résultat du cyanotype pour mettre en évidence l’effet de l’azimut du soleil sur l’exposition de notre tissu émulsionné.
L’élévation du soleil suit une courbe plus ou moins haute, plus ou moins large
selon le jour de l’année et le lieu de l’exposition à la lumière.
Midi est l’heure culminante de la hauteur du soleil, le zénith.
L’angle entre nos corps au sol et la direction du soleil, c’est-à-dire l’azimut,
crée un écart important sur le temps d’exposition nécessaire à notre cyanotype.
Dans la mesure où nous souhaitons qu’il soit uniformément exposé.
Selon les données officielles le 6 août le soleil s’est couché à 20h15 et l’élévation du soleil à Montréal était de 52.66 degrés. Le schéma présente la courbe du soeil dans la journée du 6 août comparée à une journée type du mois de février où il y a moins d’heure d’ensoleillement
Les deux personnages qui étaient le plus près du soleil ont laissées des formes très claires sur le tissu. Pour les autres nous aurions dû au moins doubler le temps. Le cyanotype réagit aux rayons U.V. mais sans nuages l’exposition est plus courte.
Le résultat me satisfait même s’il n’est pas uniforme, c’est ce qui lui donne du relief. En analysant le résultat je comprends mieux l’exposition à l’extérieur. En exposant à l’insoleuse les résultats sont stables mais ces appareils ne sont pas toujours disponibles. En terme environnemental, l’exposition aux rayons ultraviolet naturels est une belle option.
L’heure du zénith demeure le meilleur moment pour exposer uniformément une image.
Un gros merci aux participant.es de la marche et de réalisation du cyanotype collectif. L’insouciance est un thème qui s’est présenté comme constat final de cette expérience. Les milieux que nous avons traversés avec leurs animaux, végétaux, humains, machines mécaniques évoluaient en parallèle, insouciants des uns et des autres. Nous les avons franchis un à un pour aboutir dans l’espace magique du boisé.
crédit photo du groupe: Noémie DaSilva
Un peu de cuisine
Les dernières semaines étaient dédiées à l’exploration des encres, pas comme produit abouti mais l’essai de recettes pour trouver des liants pour épaissir les coulis végétaux colorés.
Je suis prise d’un engouement pour les hémérocalles. Un matin sur deux pendant deux semaines, j’ai cueilli des fleurs fanées. Oui, fanées d’un jour puisque ce sont celles-là qui rejettent le plus de colorants d’un beau rouge pourpre. Je les ai préparées de différentes façons, j’ai frotté leur pétales directement sur les feuilles blanches.
Le jus de ces fleurs que je nomme émulsion, est utilisé pour les anthotypes. Je badigeonne le papier avec l’émulsion d’hémérocalle et je laisse sécher. L’anthotype consiste à créer une image en faisant brûler les pigments autour d’une forme déposée sur le papier. Ceci peut être une feuille comme à l’époque de … ou une feuille acétate avec une image positive en noir et blanc très contrastée. Les espaces transparents seront brûlés par les rayons uv, et la partie protégée préservera la trace de l’image. Le processus est lent 2 à 6 semaines et parfois davantage.
Je me questionnais sur l’émulsion d’hémérocalle. J’observe que l’émulsion fraîche qui provient de l’eau de décantation de la fleur disparaît rapidement sous la lumière. Ce qui laisse une image pâle au final.J’expérimente l’émulsion qui a mijotée quelques minutes à 1 heure. Il faudra attendre plus de deux semaines pour observer les résultats de ces anthotypes.
Les encres
J’ai eu l’occasion de parler avec Jocelyne Thibault qui travaille ces images avec les pigments d’hémérocalles. C’est grâce à elle et Noémie que j’ai su que ce sont les fleurs rouges qui donnent de la substances pour l’encre. En fanant, la fleur jette un jus mauve foncé. Jocelyne est artiste impliquée à L’Imprimerie. À l’automne elle présentera sa recherche pour fabriquer de l’encre avec l’hémérocalle. J’ai hâte d’en apprendre davantage. Je sais entre autres qu’elle expérimente la texture en ajoutant de l’amidon.
Mes recherches sont proches mais les substances qui ont attiré mon attention sont la gomme de guar, la gomme de xanthane et le psyllium. J’ai ajouté des substances à l’émulsion d’hémérocalles. Entre autre j’ai laissé mijoter le jus pendant 1h30 et j’ai eu une texture onctueuse et d’un beau brun presque noir. J’ai préparé une feuille pour tester l’anthotype. À suivre.
Mes escapades pour la cueillette me font réellement apprécier mon été en ville. Je me sens bien pendant ces moments de cueillette, les mains dans les végétaux, j’apprends à les connaître mieux, par leur nom et par leur phases annuelles. Seul hic, une frustration; ce sont les passants qui décident de ramasser tout les fruits sur un même arbre, sans en laisser pour les autres. Par exemple un prunier au coin de ma rue, et duquel j’avais hâte de goûter le fruit, s’est vidé subito presto. Plus une seule prune. De même pour le cassis, les mûres. Il y a du monde qui ne pensent pas aux autres, ceux à qui cela fait plaisir de prendre un fruit ou deux en passant. Parce que pendant les marches dans le jardin nous les voyons ces fruits se développer. Comme cette maman avec ces enfants qui en début de soirée visitaient les poules du même jardin communautaire. Elle est venue vers moi, alors que je cherchais une mûre à me mettre sous la dent, pour me dire «ils ont tout pris ». Elle m’explique qu’une heure avant elle est passée devant le mûrier qui était bien garni. et puis plus rien. Elle était franchement déçue. Moi aussi. Il me semble que c’est une question de civisme, de cordialité. C’est même violent comme geste. C’est un problème d’avidité me dirait mon amie Lise. Vouloir plus, tout, plus que les autres, prendre et sans en laisser.
Alors certains petits fruits sont inmangeables, sans être toxique ils ne sont pas bon au goût. Je pourrais sans doute en cueillir pour expérimenter d’autres émulsions dans les prochaines semaines.
Quant aux résultats des anthotypes ils arrivent bientôt.
Juillet l'abondance
Juillet me plonge dans la cueillette et de multiples explorations pour fabriquer des encres, des émulsions. Les fleurs sont abondantes et les feuillages. J’apprends à repérer les plantes et à trouver les lieux où il est acceptable de les cueillir. Évidemment je ne cueille pas sur les terrains privés. Je cueille dans les ruelles les fleurs spontanées et sur les terrains de la Ville, mais là encore je veuille à en laisser pour les autres. C’est mon éthique de travail. C’est-à-dire je cueille par-ci par-là de façon à ce que je ne vide pas un lieu. D’ailleurs les fleurs qui servent à la fabrication des encres sont celles qui sont fanées, la plupart du temps et non les fraîches donc ce n’est pas problématique.
À ce propos, Leila Majeri ma collègue du Chantier, a fait pousser les plantes pour sa production. C’est l’idéal. Son jardin devant L’Imprimerie est magnifique. Si vous passer par là. Puisque j’ai fait de la cueillette j’ai aussi cuisiné mes émulsions.
Les groseilles écrasés au mortier rendent un beau rose doux et franc.L’ortie bouillie donne un vert pâle léger mais très intéressant. En ajoutant des couches le vert s’intensifie.
La peau d’avocat qui semble assez aisé à faire n’a pas eu de succès cette fois-ci. La couleur beige très opaque qui est créée est tellement pâle sur le papier qu’on ne la discerne pas.
Le grand succès est la fleur d’hémérocalle, qui rend un violet doux à intense selon la fleur. J’ai écrasée celle-ci directement sur le papier.
Deux cueillettes importantes cette semaine, dont l’une avec Noémie Da Silva. C’est agréable de marcher avec elle et d’échanger directement sur le terrain.
Ici je ne décris pas l’ensemble de mes explorations et des résultats mais toutes ces notes seront regroupées dans un cabinet des pratiques écoresponsables, volet encres végétales et émulsions.
Sympoïèse
Sympoïèse – sympoïétique
Un mot que j’ai découvert en cherchant sur l’écologie en général, car je fouille un peu partout. C’est par l’auteure Donna Haraway biologiste que j’en ai pris connaissance. Et elle-même emprunte le terme à Beth Dempster, qui dans son mémoire de biologie rend compte de la différence entre l’autopoïèse et la sympoïèse. Nous sommes loin de l’art imprimé mais ceci pourrait tout de même être intéressant.
Pour faire un résumé, la sympoïèse est à l’image du collectif alors que l’autopoïèse est l’individu. Le corps de l’individu avec son fonctionnement biologique se suffit comme système vivant, que ce soit la bactérie ou l’être humain, on parle de l’autopoïèse. Le sytème sympoïétique implique plusieurs corps différents qui interagissent et créent un milieu spécifique, dont l’équilibre interne fluctue. L’interaction entre les individus tel que le mentionne l’auteure est complexe et se déroule de façon plus chaotique, en comparaison avec le système d’autopoïèse. Par contre, la sympoïèse a une durée de vie illimité, s’adapte à long terme aux différentes fluctuations parce qu’il n’est pas autodéterminé mais se transforme au fur et mesure des variations. Il y a plusieurs détails à décrire pour bien cerner ces concepts. Mais si j’aborde la sympoïèse c’est pour observer les relations dans l’environnement. Pour m’approcher des synergies entre moi et le vivant, car j’observe des choses fascinantes toutes les semaines. Pas seulement chez les plantes mais en ce moment je les observe davantage pour mes expérimentations d’anthotypes et d’encres végétales.
Lorsque je marche dans le quartier je rencontre deux types de jardins, ceux qui sont bien contrôlés et les spontanés, dont personnes ne s’occupent vraiment ou qui sont délaissés. Je les trouve tous beaux, avec une préférence pour les spontanés pour leurs mélanges. On ne sait jamais ce que l’on va trouver. Je n’ai jamais trop mémorisé les noms des plantes, une par-ci, par-là. Je préfère les photographier, et repasser les voir de temps à autre durant la saison. Cette année je m’y mets plus sérieusement mais pas à pas. J’ai le livre de Roger Latour et je crois que c’est sa façon de présenter la flore urbaine qui me donne le goût d’y mettre un peu d’effort. Et pour me faire un vrai répertoire d’émulsion d’anthotype. Ça sera plus pertinent avec le nom de la fleur plutôt de donner le lieu de la cueillette. Quoique…
Épianthropochorie
Un mot pour décrire le comportement des plantes. Certaines graines sont formées de façon à s’accrocher aux vêtements ou aux poils des animaux pour se déplacer, comme cynoglosse officinale . « Le phénomène se nomme épianthropochorie : dissémination sur les humains » (Latour,2009, p.77). Nous sommes tous.toutes à un moment ou l’autre des transporteur.euses du vivant.
Latour nous invite à découvrir la biodiversité urbaine car, comme il le dit, ce n’est pas seulement pour mieux connaitre la science mais être conscient de ce qui habite notre environnement pour mieux en prendre soin. En découvrant la nature urbaine on perçoit la ville différemment; ces milieux qui sont presque invisibles deviennent évidents lorsqu’on y accorde notre attention. L’observation de la nature urbaine demande peu et se fait en lenteur.
Certaines plantes ont appris à se faire discrètes, et que M. Latour nomme les ubiquistes, comme la matricaire odorante ou la renouée des oiseaux et le plantain majeur (p.48). (les images de ces deux plantes proviennent du site herbier du Québec : https://herbierduquebec.gouv.qc.ca/plante/plantain-majeur). Les ubiquistes poussent dans les fissures, dans les fentes de trottoir. J’en ai vu près de chez moi dans les trous de l’asphalte. J’ai d’autres émulsions qui s’en viennent.
Ce livre est parfait pour l’observation : Roger Latour. Guide de la flore urbaine (2009). Éditions Fides.
Une marche-réflexion qui se poursuit…
Émulsion graduation
Mes explorations sur l’anthotype m’amène à bifurquer vers la réalisation d’émulsions à base de plantes urbaines. J’ai commencé par la vesce jargeau -Vicia cracca. Merci Mélissa de me l’avoir fait découvrir lors de la marche collective du 15 juin. Je la connaissais par sa façon de s’enrouler autour des plantes qui sont près d’elle. Je la traitais comme une plante nuisible. Mais j’apprends maintenant que c’est une légumineuse et qu’elle se mange. Mélissa l’utilise pour ses encres.
En étendant l’émulsion un des papier est devenu violacé et l’autre est verdâtre. Hum! c’est le même papier. Il y a toujours une explication, mais pour le moment je ne la connais pas.
Ensuite j’ai cueillis quelques fleurs hier et ne sachant pas par quoi commencer l’idée de récupérer le bouquet de graduation de mon fiston pour en faire l’émulsion, a germée. Je nomme ce mélange graduation. puisque ce bouquet lui a été remis lors de la cérémonie des diplômes de fin du secondaire, un cadeau de notre amie Véronique.
Le bouquet de fiston était composé
d’un oiseau du paradis- strelitzia
des marguerites
des oeillets communs
quelques crépides
et une échinacée purpurea
J’ai ajouté à l’émulsion des iris du jardin de Monique à Sainte-Julie. Les quelques fleurs cueillies dans la ruelle sont les Juliennes des dames (mauves) et de l’alliun lineare.
Alors j’ai regroupé les fleurs, les cultivées et les urbaines, en deux paquets, les rouges et les jaunes-orangés.
J’ai coupé au ciseau les pétales seulement. Puis j’ai réduit la macédoine en purée, au mortier. J’ai ajouté de l’alccol éthylique, quelques cuillères d’eau distillée et j’ai laissé macérer une heure.
Les résultats seront visibles dans quelques semaines.
Le 20 juillet j’ai ouvert les cadres dans lesquels étaient exposée l’image aux rayons Ultra-violet. Rien n’apparait, que le contour de l’acétate que j’avais déposée sur l’émulsion. Ma conclusion est que l’émulsion est trop pâle et que possiblement j’aurai pu avoir des traces de l’images mais dans plusieurs semaines encore. L’exposition aura durée 4 semaines. Maintenant que je sais que l’émusion très pâle ne donne pas de résultat qui m’intéresse.
Poésie végétale
La marche, le pique-nique sont prétextes à poésie in situ. Les mots des marcheur.euses parlent de ce moment d’amitié envers soi, les autres; humain.es et plantes. Le groupe avance avec un rythme bienveillant, l’attente est consentie parce que la contemplation fait partie de l’expérience. Attendre les un.es et les autres chacun.e son tour fait partie de l’itinéraire. À l’arrivée au Boisée, le pique-nique, et un atelier de confection d’un herbier, sur l’herbe et une discussion sur l’image écologique. Merci les Adventices, merci le beau groupe.
Plusieurs questions sont soulevées par exemple qu’est-ce que l’écologie ? Quelles concessions sommes -nous prêt.es à faire pour l’écoresponsabilité? Est-ce que les artistes ont un rôle à jouer, et si oui comment ? Honorer le vivant, s’approcher de ce qui est vivifiant près de nous, c’est un fil conducteur. Voir plus large cette écoresponsabilité, c’est-à-dire plus large que les gestes concrets que sont le recyclage, le compostage, l’empreinte écologique.
Des noms de plantes au travers les discussions, des processus de travail en continuité des choix de vie; c’est ainsi que nous marchions en entrelaçant les échanges.
C’était un moment pour ma part de rencontrer d’autres personnes qui gravitent autour de L’Imprimerie. Une communauté d’artistes mixtes, émergent.es, expérimenté.es, interdisciplinaires, disciplinaires.
Biographie
Sophie Cabot vit et travaille à Montréal. Artiste en arts visuels, commissaire d’arts participatifs et doctorante en Études et pratiques des arts UQAM. Les relations humaines et l’environnement sont au cœur de sa pratique, qu’elle explore par la marche et la mises en place de situations de rencontres et de collaborations, ainsi que les arts d’impressions, et la vidéo. Elle participe à plusieurs événements et expositions collectives à Montréal et New-York (2018), Grèce (2019 et 2021), Carleton-Sur-Mer (2021). Collaboratrice sur deux ouvrages collectifs dont les sujets sont, le vivre ensemble (2018) et de la marche artistique (2020).
Myriam Rochon
Horticultrice, artiste et fondatrice d’habi habi