L’Écrin – Retour sur «Les ponts» d’Ileana Hernandez

«Déconstruire des univers pour reconstruire des nouveaux avec différentes perspectives, c’est pour moi, une façon de rester consciente des réalités qui nous entourent.»

Est-ce que tu peux nous expliquer un peu ton travail en tant qu’artiste ? Qu’est-ce qui anime ta réflexion artistique ?

J’explore les thèmes de la féminité et de la nature, la vulnérabilité et la fragilité de l’être en utilisant les textiles et le papier comme extensions de mon corps. Par la performance, la photographie, la vidéo et le collage, je crée des images surréalistes qui interrogent notre relation avec l’environnement et le concept même d’humanité, ou d’espèce humaine.

Depuis quelques années, je construis des personnages qui se développent avec des interventions et des interactions publiques. Je les alimente avec des conversations, anecdotes et échanges avec la communauté. Déconstruire des univers pour reconstruire des nouveaux avec différentes perspectives, c’est pour moi, une façon de rester consciente des réalités qui nous entourent. De plus, cela me permet de questionner les structures sociales, de re-imaginer et de trouver des nouvelles façons d’interagir dans la société.

Comment es-tu arrivé à créer ton projet Les ponts ? Qu’est-ce que tu cherchais à explorer?

Je me suis promené dans le quartier Hochelaga avant de commencer la résidence, j’ai observé les gens qui se promenaient aux différents moments de la journée et aux différents jours de la semaine. J’ai cherché à développer des façons de rentrer en contact avec la communauté et les gens, c’est à ce moment que j’ai eu l’idée de créer des liens, alors les ponts.

J’ai décidé de réaliser une installation de longue durée à l’extérieur de la vitrine comme prétexte pour être dans la rue le plus possible. Je me suis habillée de la même façon à chaque fois que j’allais travailler sur mon installation. Cet habit est devenu un uniforme de travail, les gens me reconnaissaient facilement. J’allais chaque semaine au moins deux fois par semaine et je travaillais dans mon installation extérieure. Je voulais utiliser le papier hologramme que j’ai apporté du Mexique et que j’aime beaucoup. J’ai placé à l’intérieur, tous les papiers hologrammes pour créer un mur des reflets multicolores et festifs, c’était aussi une manière de montrer aux gens tous mes matériaux. Plus l’installation avançait et devenait moins abstraite, plus les gens s’approchaient et il y avait un contact régulier. Mon installation évoluait en même temps que le lien entre les gens et moi.

À la fin de la résidence, j’ai réussi à collaborer avec les voisins de L’imprimerie pour réaliser une performance, à avoir des propositions esthétiques que j’ai intégrées à mon installation et à connaître une partie de la vie des gens du quartier.

L’Écrin est à la fois une sculpture et un objet de support, mais c’est aussi un espace pour expérimenter et non pour présenter un travail fini. Comment as-tu travaillé avec cette contrainte ?

Les buts poursuivis avec Les ponts étaient justement d’expérimenter différentes façons de créer des liens avec des gens qui ne sont pas des artistes de manière artistique. En créant une installation évolutive à l’extérieur où l’environnement change constamment, j’ai dû modifier et essayer des méthodes pour rentrer en contact avec les gens. À chaque fois que j’allais travailler sur mon installation, les gens et les conditions étaient différents, c’était tout le temps une expérimentation en soi. Le fait de ne pas avoir à présenter un travail fini n’était pas une contrainte, au contraire, je trouvais que cela me poussait à ne pas avoir peur, à être à l’écoute, à prendre de risques et surtout à m’amuser et profiter de cette expérience.

Ton travail dans L’Écrin a été par essence expérimental. Poursuivras-tu certaines réflexions qui ont surgi au cours de ce processus ?

Oui certainement ! En parallèle de mon installation, je construisais un personnage qui s’appelle TOI, il/elle a été présenté/e la première fois dans L’Écrin, le 11 avril, lors d’une performance sonore et publique. Il/elle a fait une intervention et une performance sonore/participative dans l’émission Atelier à CIBL. J’ai noté toutes les interventions et expériences vécues pendant ma résidence. Maintenant, je travaille des performances visuelles et sonores avec une pédale de distorsion de voix, elles feront partie de mon personnage. TOI vient juste d’apparaître et c’est en développement.

Crédits photos : Ileana Hernandez

© L’imprimerie, centre d’artistes, 2024